Les candidats de gauche
sur le gril des féministes
REPORTAGE
Mélenchon, Joly, Hollande et Poutou ont répondu à l'invitation des
«féministes en mouvements», lors d'une soirée d'interpellation pour parler
précarité, crèche ou prostitution. Les candidats de droite n'étaient pas là...
Par CHARLOTTE ROTMAN
Ah, ce soir, le féminisme était de
gauche. Si jamais certains en doutaient, le show organisé par Féministes en
mouvements (une coalition de plus de 40 associations) pour interpeller les
candidats à la présidentielle l'a démontré. Sifflets et applaudissements à l'appui.
D'abord, aucun candidat de droite
engagé dans la course élyséenne n'a répondu à l'invitation des féministes de
monter sur la scène de la Cigale, à Paris, ce mercredi 7 mars, veille de la
journée internationale des femmes.
Pour souligner leur absence, des
militantes ont lu des interpellations à leur endroit. Sarkozy «n'aurait sans doute pas dupé grand monde
dans la salle, lit l'une d'elles. Ce candidat disait il y a un an en parlant du
8 mars: "c'est sympathique, il faut le faire, enfin parfois il faut qu'on
se concentre sur l'essentiel".»
La droite jugée par contumace!
C'est ça le problème avec les
féministes, non seulement elles sont - souvent - de gauche mais en plus, elles
ont la mémoire longue. Et elles sont «tenaces». Ce sont elles
mêmes qui le disent. La condamnation par contumace se poursuit: «M. Sarkozy, pensez vous que la bataille
pour l'égalité femmes-hommes peut aller de pair avec des politiques telles que
celles que vous avez menées, d'attaques des libertés individuelles, des
protections collectives, des services publics et du vivre ensemble?» Un «Sarkozy dégage» fuse alors d'une
rangée. Son sort est fait.
Les autres candidats de gauche qui,
eux ont accepté le jeu, se sont donc retrouvés avec un boulevard devant eux.
Sur scène, un jeu de questions-réponses, parfois sans concession. Les
associations ont épluché les programmes et demandent précisions et
clarifications.
Le premier, Jean-Luc Mélenchon,
tout sourire, passe sur le grill. Détendu, il déroule une analyse historique
très «lutte des classes». Efficace. Le candidat du Front de gauche parle des
pauvres, des chômeurs, des smicards, des précaires... qui sont majoritairement
des femmes. «Il
y a un confort de situation à l'exploitation des femmes», accuse-t-il. Il
est ovationné.
Au premier rang, Sylviane
Agacinski, Elisabeth Guigou et Yvette Roudy... pas vraiment une brochette de
groupies sarkoystes. Elles ne perdent pas une miette du spectacle politique. Et
attendent leur candidat.
Eva Joly est la suivante. Elle est
plutôt à l'aise et déclare qu'elle a
«passé (s)a vie à faire des choses réservées aux hommes»... et salue «la relève» féministe. Dans
la salle, c'est vrai, les moins de trente ans sont nombreuses. La candidate
écolo n'est pas sur le même registre que Mélenchon. Plus sociétale, elle évoque
spontanément les tâches ménagères effectuées à 80% par les femmes, la
représentation des femmes en politique. «Pour moi, les listes qui ne sont pas paritaires ne doivent pas être
valables.» Elle plaide pour des quotas dans les grandes entreprises ou la haute
fonction publique.
L'écologiste se fait houspiller sur
la prostitution. Hostile à la loi sur le racolage passif, elle est aussi
opposée à la criminalisation des clients. Une onde de mécontentement agite le
fond de la salle. Qui crie
«Abolition!» «Abolition!»
«Je ne suis pas né féministe, je le suis
devenu»
François Hollande se fait attendre.
Quand il arrive, il pose des notes devant lui. Du balcon, des tracs pleuvent;
on entend «DSK
partout, justice nulle part». Le débat se poursuit pourtant. Le socialiste
dit «les Français» puis se reprend «les Françaises». Il dit «l'égalité hommes/femmes», et se fait
chahuter. La fois d'après, il corrige en souriant: «l'égalité femmes-hommes». Il confie: «je ne suis pas né féministe, je le suis devenu». Et dit quelques
phrases pour l'assemblée: «le
combat féministe n'est pas derrière nous, il est devant.»
Mais Hollande semble manquer un peu
de niaque. Il reprend un peu du poil de la bête en confirmant qu'il veut un
gouvernement paritaire, et qu'il y aura autant d'hommes que de femmes dans les
plus hautes instances: au conseil constitutionnel, au conseil supérieur de
l'audiovisuel.
Interrogé sur le nombre de places en crèches qu'il faudrait créer - les
associations en réclament 500 000 -, le candidat PS préfère ne pas faire de
promesse chiffrée. Déception dans la salle, il se justifie dans une allusion à
la repentance de Sarkozy sur son mandat bling bling: «Je ne peux pas m'engager devant vous sur un tel objectif, ne pas le
faire... et revenir dans 5 ans pour m'en excuser...»
No comments:
Post a Comment