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> par Agence France-Presse, vendredi 29 juin 2012, 11:27 ·
> AMMAN
> par Moussa Hattar
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> Le calvaire enduré par une jeune fille de 14 ans, enlevée puis violée trois
> jours de suite, a suscité la colère en Jordanie, tout particulièrement lorsque
> son violeur a décidé de l'épouser pour échapper à la prison comme la loi le
> permet.
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> Dans ce royaume conservateur, déjà connu pour ses crimes dits "d'honneur",
> les violeurs peuvent en effet éviter d'aller derrière les barreaux s'ils
> acceptent d'épouser leur victime, en vertu de l'article 308 du code pénal.
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> En avril, une fille dont l'identité n'a pas été révélée faisait des courses
> à Zarqa, dans le nord du pays, lorsqu'un homme de 19 ans l'a kidnappée,
> conduite dans le désert, puis l'a violée pendant trois jours de suite, selon
> des sources judiciaires.
> La police a découvert l'adolescente lors d'une patrouille, l'a ramenée chez
> elle et a arrêté l'homme. Mais quelques jours plus tard, le violeur a décidé
> de se marier avec elle, mettant ainsi fin aux poursuites.
> En juin, un autre homme est parvenu à attirer une adolescente de 15 ans
> dans un appartement d'Amman où il l'a violée. Selon des sources judiciaires,
> il tente aujourd'hui d'arracher à sa famille un mariage, là encore pour éviter
> la prison.
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> "Cet article (...) ne permet pas seulement aux assaillants de repartir
> libres, il les récompense en leur permettant d'épouser leur victime qui, elle,
> est punie", dénonce Nadia Shamrukh, qui dirige l'Union des femmes
> jordaniennes.
> "Avec l'application de cette loi, un autre crime est commis. Comment cette
> fille de 14 ans, en tout état de cause mineure, peut-elle épouser son
> violeur?", lance-t-elle.
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> Le viol d'une personne âgée de moins de 15 ans est sanctionné par la peine
> de mort en Jordanie, où 379 affaires de viols ont été recensées en 2010 selon
> des documents judiciaires.
> La loi islamique autorise d'épouser jusqu'à quatre femmes. L'âge minimum
> requis pour se marier en Jordanie est de 18 ans mais le mariage peut être
> autorisé dès 15 ans sur décision d'un juge.
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> "Dans l'un de ces cas, nous avons essayé d'empêcher le mariage d'un violeur
> avec une fille de 18 ans qui ne voulait pas être sa femme", a indiqué Eva Abou
> Halaweh, une avocate.
> "Mais le père de la fille a conclu un accord avec le violeur, un chômeur
> déjà marié, père de six enfants qui ne pouvait déjà pas pourvoir aux besoins
> de sa famille", ajoute-t-elle.
> Mais pour Israa Tawalbeh, le premier médecin légiste femme du pays,
> "l'article 308 n'est pas mauvais en soi".
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> "Le problème, c'est la façon dont certains groupes des droits de l'Homme
> locaux et internationaux interprètent la loi", dit-elle à l'AFP.
> "Les véritables cas de viol sont rares dans notre société. Parfois, les
> filles de moins de 18 ans perdent leur virginité pour forcer leur famille à
> accepter le mariage avec leur petit ami. Or, la loi qualifie cela de viol".
> Parfois, "accepter le mariage sous l'article 308 vaut mieux que de laisser
> des filles se faire tuer" par leurs proches, estime-t-elle. "Je crois que la
> loi correspond à la réalité de notre société".
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> En Jordanie, entre 15 à 20 femmes sont tuées par chaque année par des
> membres de leur famille qui invoquent des raisons d'"honneur" de la famille
> après des relations sexuelles avant ou hors mariage, selon les autorités.
> Le meurtre est sanctionné par la peine de mort, mais dans les crimes dits
> d'"honneur", les tribunaux font souvent preuve de clémence.
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> Mais pour Hani Jahshan, un médecin travaillant pour le Service de la
> protection de la famille, l'article 308 est "une violation flagrante des
> droits des femmes et des enfants".
> Pour lui, la société fait fausse route quand elle croit que la virginité de
> la fille doit être préservée, à tout prix, jusqu'au mariage. "Cela force les
> filles à épouser leur violeur pour protéger leur réputation et éviter les
> problèmes sociaux", dit-il.
> "Je pense que l'article 308 devrait être amendé pour rendre justice aux
> victimes", estime Nadia Hachem Aloul, la ministre d'Etat aux Droits des
> femmes.
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