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mouvement des femmes Iraniennes

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Thursday, April 11, 2013

Education : Religions, Intégrismes UNESCO (23 mars, 1999)




Diaouida Jazaerli,
Avocate au Barreau d’Alger

Il m’a été demandé de parler uniquement de ma proper religion, mais je viens d’entendre un long discours sur le dialogue inter-religieux.  [Jan de Volder, Représentant du Président de Sant-Egidio de Rome] Je vous avoue que je suis très tentée de répondre mais je vous parlerai aussi de l’Islam bien sûr.
D’abord je refuse totalement l’explication de l’intégrisme par la misère. Je suis d’origine algérienne et je ne crois pas que l’Algérie, par exemple, était un pays particulièrement malheureux sur le plan économique, et pourtant ce phénomène dramatique y explose.
Je pense aussi au Biafra dans les années 1970, et cela n’a pas provoqué l’intégrisme. Je souhaiterais donc que nous allions aujourd’hui vers d’autres explications de l’intégrisme.
Sur le dialogue inter-religieux, il y a beaucoup de choses à dire. Je co-préside une association de dialogue islamo-chrétien. Je n’ai pas personnellement envie qu’il y ait une sorte d’union sacrée des religions.
Je passé mon temps à dialoguer avec des amis chrétiens, et je crois que si nous avons une leçon à donner, c’est par l’exemple. Pour le reste, nous avons chacun notre Livre sacré et ces Livres sont à la disposition de tout être humain. Pour moi, le dialogue inter-religieux, dans le contexte actuel, devrait être élargi au dialogue occident/monde arabe, ou occident/orient, car aujourd’hui mon problème est celui-là ; je suis très contente de rencontrer le Grand Rabbin Sirat, parce qu’il m’a connue dans les années 1980 comme collaboratrice du Recteur de la Mosquée de Paris, qui m’a formée à la religion musulmane.
J’ai envie de vous recommander un livre sur le dialogue qui s’appelle “L’Islam et l’Occident”, qui retrace le dialogue inter-religieux jusqu’au XII siècle. Le Grand Rabbin Sirat connaît cela. A cette époque-là il y a eu une lettre du Pape qui a appelé les Musulmans à des échanges. De meme, dns les cours des Califes, il y avait des débats religieux. Ce n’est pas aujourd’hui que nous avons découvert le dialogue et la tolerance, mot auquel je reviendrai d’ailleurs. Nous pourrions parler longuement de dialogue, car pour moi il doit être respectueux de l’autre et supposer des connaissances de l’autre. Je refuse le dialogue-mépris.
Je vais maintenant vous parler de l’Islam. J’ai dû répondre plusieurs fois et publiquement que les filles voilées n’avaient pas le monopole de Dieu ni celui de la pudeur, puisqu’il paraît que ce serait une question de pudeur. Pour moi la relation avec Dieu est personnelle, individuelle, du moins dans ma religion. Dieu ne nous a pas donné un clergé comme s’il craignait ce qui pourrait être fait en son nom. Je n’ai donc pas de clergé : j’ai un Livre et j’ai Dieu, et je fais avec. C’est ma réponse à ceux qui me disent que le voile est une obligation. Il est vrai qu’il s’agit d’une prescription coranique, mais encore faut-il lire tout le Coran, car il y a d’autres versets et, en particulier, celui qui dit : « Dieu n’impose à l’âme que ce qu’elle peut supporter ». Forte de cela, je suis une musulmane sereine et tranquille, et je n’ai pas du tout le sentiment d’enfreindre.
Quant à la manière de vivre aujourd’hui l’Islam, je voudrais citer une parole d’une épouse du Prophète, Aicha. Après la mort du Prophète, elle est devenue professeure d’Islam. Elle a dit « Ne parlez pas beaucoup ; espacez vos prêches et soyez brefs ». J’en ai déduit l’explication suivante : elle voulait que les religieux n’aient pas le monopole de la parole humaine de la Parole religieuse, et je suis d’accord avec cela. Oui, nous devons l’entendre de temps en temps, mail il y a aussi l’autre Parole. Il est très important de rappeler cela, parce qu’aujourd’hui on entend des descriptions effarantes de l’Islam.
Je voudrais rappeler aussi quelques versets du Coran par rapport à la manière de vivre sa foi. Dans le Coran, Dieu dit : « Je voudrais que ma communauté soit celle du juste milieu ». Vous voyez donc, qu’il ne s’agit pas d’extrêmes et, ainsi que je l’ai déjà dit, Dieu n’impose à l’Être que ce qu’il peut supporter. Nous n’avons pas de juge ; le modèle était le Prophète ; lui mort, tous les Musulmans sont égaux devant la Parole et devant Dieu. Dieu est le seul à pouvoir nous juger quand nous serons devant lui. Je voudrais rappeler d’autres versets qui personnellement m’encouragent. S’adressant au Prophète, Dieu lui dit « Je ne t’ai pas envoyé sur eux comme un despote et je ne t’ai pas envoyé comme un juge. Tu es là pour rappeler ». Tout cela a été dit à l’intention du Prophète. Alors, quand j’entends certains Musulmans qui aujourd’hui se font les juges de nos comportements, je pense que s’ils lisaient, davantage, le Coran, ils ne se le permettraient pas. Et il y a deux versets sur la liberté religieuse : l’un, que vous serez étonnés de trouver dans le Coran, et qui dit « Croit qui veut et ne croit pas qui veut », et cet autre verset qui dit « Il n’y a pas de contrainte en religion ». D’ailleurs les croyants savent bien qu’une foi ne doit pas être imposée et que l’on ne peut que s’interroger sur la qualité d’une foi dont le modèle serait déterminé par les hommes.
Quand je suis arrivée à la Mosquée de Paris, j’étais une jeune juriste algérienne musulmane. J’étais un peu effrayée par quelques uns des versets, et le Cheikh Abbas, qui m’a formée à l’Islam, me disait 2 + 2 = 4 ; si ce n’est pas aussi logique que cela, tu rejettes ». Aujourd’hui les Musulmans, et surtout les Musulmanes, s’enferment dans des impasses, ainsi que nous le voyons dans cette question de filles voilées. Elles doivent savoir qu’être Musulmane, c’est être libre devant Dieu et c’est aussi vivre sa foi en tenant compte des contraintes et des contextes géographique et historique. On ne peut pas vivre l’Islam aujourd’hui comme on le vivait autrefois, encore que certaines périodes de l’histoire fassent rêver.
J’étais l’invitée de Canal Plus mardi dernier sur l’affaire du voile. Il y avait aussi un Islamiste, pas un Musulman ordinaire, mais celui qui a défendu les filles voilées exclues dernièrement de leur école à Flers. Je retiendrai un point positif de cette émission. En réponse à une question de la journaliste concernant la propre fille de cet homme, il a répondu « Ma fille ne porte pas de voile ». Ce fut un très bon moment pour moi, car sa plaidoirie habituelle consistait à dire « C’est une exigence coranique et on ne peut pas l’enfreindre ». Or avec l’absolu on ne peut rien faire ; on est enfermé. Mais on ne peut pas défendre la position des filles voilées en disant « Cela n’est pas négociable ; c’est leur religion », tout en permettant à sa propre fille de ne pas porter le voile.
On me demande souvent si je suis pour ou contre le voile. Il ne s’agit pas d’être pour ou contre. Je suis une croyante. Je sais très bien que c’est une exigence coranique mais je l’oppose à cet autre verset que j’ai déjà cité et qui explique que « Dieu n’impose à l’âme que ce qu’elle peut supporter ».
En fait, dans le monde actuel, les religions doivent faire savoir que l’on peut vivre ensemble. Vivre ensemble et différents, cela signifie aussi respecter quelques obligations communes. Dans l’école publique, laïque et républicaine, ce qui est important pour les filles musulmanes est d’acquérir le savoir. J’ai dû faire appel à un recteur d’université islamique du Qatar, qui a dit « L’Islam ne veut pas faire de ses filles des ignorantes, alors qu’elles enlèvent le voile et qu’elles aillent à l’école ». Il faut alors regretter la position du Conseil d’Etat français. Je demanderai qu’un bilan soit établi sur dix ans d’application de son règlement sur le voile : exclusions, cours par correspondance… Je crois que, majoritairement, ces filles-là auront été exclues du savoir et, par là, en danger. On sait très bien la précarité des femmes aujourd’hui d’une manière générale, mais a fortiori sans une éducation solide.
Par ailleurs le choix pour une femme de travailler est tout à fait permis dans le Coran, contrairement à ce disent certains.
Que puis-je donner comme conseil contre les intégrismes ? S’il y a une règle qui me paraît très importante pour éviter de cautionner l’intégrisme, c’est d’avoir du respect pour l’autre. Quand on respecte l’autre on refuse un discours ou une présentation qui ne soit pas respectable pour soi-même.
Ce qui me paraît également important est évidemment de décoder le langage intégriste.
Cela m’amène à revenir sur le mot tolérance que j’ai mentionné au début. Je suis un peu inquiète par le détournement de certains mots et de certains grands principes : je pense à la démocratie et à la tolérance. Je suis plutôt étonnée de voir qu’aujourd’hui ces grandes valeurs servent des projets intégristes. Je ne peux pas accepter cela. Pour le voile on me dit « Tu n’es pas tolérante ». Et bien, non, je ne suis pas « tolérante » ni « démocratique » lorqu’on détourne le sens de ces mots-là. Il suffit de lire les discours et les plate-formes politiques de ceux qui utilisent ces mots de ces façons-là pour savoir qui ils sont réellement.
A ce propos, j’aimerais vous recommander un livre : « Islam et Liberté, le malentendu historique » de Mohamed Serfi, édité chez Albin Michel. C’est un livre extraordinaire et très éclairant pour des occidentaux, qui peuvent avoir un peu de mal à distinguer entre Islam et Islamisme, par exemple.
Je vais conclure sur le pluralisme. Je fais des conférences dans des collèges et des lycées. J’ai une fille au lycée et j’ai regardé son livre d’histoire de 4ème. J’ai été assez choquée d’y lire que la nation se définissait par l’unicité de relgion. Par ailleurs il y a des aperçus d’autres religions, en particulier l’Islam, où il reste beaucoup à faire.
Mais, au delà de la connaissance des autres religions, dans mes conférences dans des établissements scolaires, je commence par le respect de l’autre, quel qu’il soit, croyant, non croyant, parce que le respect de la personne humaine et le préalable à toute entente. Si ensuite on peut connaître un peu de la religion de l’autre, c’est important, mais j’insisterais davantage sur le respect du pluralisme.

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