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mouvement des femmes Iraniennes

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Monday, June 24, 2013

Françoise Héritier : "Les Femen reproduisent la malédiction du nu"

Le Point.fr - Publié le 18/06/13 à 19h13 



Pour l'anthropologue, professeure au Collège de France, le groupe de
féministes radicales remet inconsciemment au goût du jour un phénomène
ancestral.
Le 18 juin 2013, en Ukraine.Le 18 juin 2013, en Ukraine. STR / AFP
Propos recueillis par Victoria Gairin

Le Point.fr : Que pensez-vous de l'action des Femen ?

Françoise Héritier : Elles m'intéressent beaucoup. Déjà parce que toutes les
actions - non violentes, bien sûr - sont bonnes à prendre, y compris les
actions de provocation sexuelle. Mais également car elles renvoient à des
coutumes extrêmement intéressantes qui ont lieu dans des sociétés africaines
que l'on considère comme primitives. Il s'agit de femmes, pas seulement
jeunes et belles, mais parfois âgées, aux seins tombants, qui, pour
protester contre l'action ou les décisions de certains hommes, se
rassemblent et se déshabillent. À la vue de la poitrine et du sexe des
femmes, bien souvent, les hommes, horrifiés, finissent par céder.
Généralement, ils vivent cette nudité comme une grande malédiction.

Pourquoi ?

C'est l'arme de la nudité. En dévoilant leur sexe, les femmes montrent aux
hommes qu'ils ne seraient pas là si elles ne les avaient pas mis au monde.
Elles semblent dire : "Voyez d'où vous venez !" Or, si les hommes veulent
bien révérer la mère, ils ont horreur de l'idée qu'ils sont sortis de son
sexe. Je crois que les Femen, en montrant leurs seins, ont spontanément
retrouvé cette idée et reproduit la malédiction.

Cette malédiction existait déjà chez les Grecs...

Effectivement, on trouve quelque chose du même ordre dans l'histoire de
Déméter, la déesse des moissons. Ravagée par l'enlèvement de sa fille,
Déméter s'enferme dans son chagrin, refuse de sortir, et, cette année-là, il
n'y aura pas de récoltes. Pour lever la malédiction, Baubo, qui l'accueille
chez elle, lui propose une mixture d'orge et d'herbes. Mais Déméter n'en
veut pas, évidemment. Baubo va alors se dénuder, montrer son sexe à la
déesse, et le jeune Iacchos ; qui se trouve là, agiter sa main sous son
sein. Réjouie par ce spectacle, Déméter accepte enfin le breuvage, et les
récoltes peuvent avoir lieu. Dans ce cas présent, il ne s'agit pas de jeter
une malédiction, mais de la lever. Cependant, il s'agit toujours de
l'ostentation du sexe féminin. Avec cette idée que l'on retrouve dans bien
des institutions humaines, que celles qui causent le mal peuvent aussi le
résoudre...

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