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mouvement des femmes Iraniennes

mouvement des femmes Iraniennes

Monday, June 11, 2012



 

Le réseau Zéromacho présente

NOUS N’IRONS PAS AU BOIS

Des hommes disent NON à la prostitution

Dessin de CATHERINE
La prostitution est-elle un « droit de l'homme » ? Une « liberté des femmes » ? Une réalité inévitable pour répondre aux « besoins irrépressibles » des hommes ?

NON ! Finissons-en avec cette propagande !

Nous, signataires de ce manifeste, hommes de tous âges, origines et conditions, refusons de vivre notre sexualité au travers de rapports marchands. Pour nous, la sexualité est avant tout une relation humaine, vécue dans l'égalité et le respect de l'autre, de sa liberté et de son désir.

Nous vous invitons à agir avec nous et à dire publiquement :

LA PROSTITUTION : PAS NOUS ! PAS EN NOTRE NOM !

NON à ce marché de la misère qui pousse les plus vulnérables à louer leur bouche ou leur vagin !
NON à la culture machiste qui utilise la sexualité pour dominer et avilir !
NON à des bordels, même homologués par l'État, où des femmes, asservies et exploitées par des proxénètes, sont parquées au service d'hommes !

OUI à la liberté sexuelle !
OUI au désir et au plaisir partagés !

« Libre de se prostituer », entend-on dire. Mais qui « choisit » d'avoir chaque jour plusieurs actes sexuels non désirés avec des inconnus ?
Qui est libre dans la prostitution ? Qui a le choix ? Qui recherche son plaisir sans se soucier de l'autre ? Seulement celui qui a le pouvoir de l'argent.
La liberté que revendiquent des personnes prostituées est illusoire, car elle est contrainte par des proxénètes, par la drogue, par des violences.
Chaque année, le système prostitueur détruit la vie de millions de nouvelles victimes, surtout des femmes et des enfants, souvent parmi les plus pauvres.

Tout homme peut s'affirmer sans nier l'autre,
et s'assumer sans dominer.

En application du principe de l'égalité femme-homme, nous demandons aux pouvoirs publics de :

  • Cesser de pénaliser les personnes prostituées ; développer des actions de prévention sociale, éducative et sanitaire, ainsi que des alternatives à la prostitution, afin de rendre effectif le droit de n'être pas prostitué-e.
  • Réprimer le proxénétisme en cessant toute complaisance envers ses diverses formes (prostitution de rue, bordels, salons de massages, bars à hôtesses, camionnettes, escortes, sites Internet, petites annonces, etc.)
  • Instaurer ou renforcer dès l'école une éducation sexuelle et affective non-sexiste, dans le respect de l'autre, de sa liberté, de ses choix et de ses désirs.
  • Instituer contre les « clients-prostitueurs » une sanction pénale graduée, comme en Suède où cette politique a démontré son efficacité.
  • Refuser de nommer « clients » ces hommes, qui sont plutôt des prostitueurs.
Payer pour avoir accès au sexe, au corps, à l'intimité d'une personne qui n'en ressent aucun désir, n'a rien d'un contrat, lequel se fonde sur la liberté et l'égalité. Ici, la liberté est illusoire et l'égalité bafouée.

Construisons ensemble un monde 
où personne n'imaginera d'acheter
l'accès au corps d'autrui, 
et où les plaisirs du sexe ne seront liés 
ni à l'argent ni à la violence !

Ce monde est possible, et sa construction a déjà commencé.
En 1999, après un demi-siècle d'éducation égalitaire à l'école, la Suède a été le premier pays à pénaliser l'achat de « services sexuels » par les prostitueurs - mais sans réprimer les personnes prostituées. En 2009, la Norvège et l'Islande ont fait de même. Quelques dizaines d'hommes ont été condamnés à des amendes, et l'État aide les personnes prostituées à préparer un autre avenir.

Cette politique est progressiste :

  • les réseaux de prostitution se sont détournés de ces destinations devenues moins rentables (rapport officiel suédois, 2010, voir les références en note de cette traduction française)
  • les enfants apprennent qu'on n'achète pas le corps d'autrui.
Au contraire, en Allemagne et aux Pays-Bas, où les bordels sont légaux, les garçons savent que des femmes seront mises à leur disposition. Comment peuvent-ils dès lors reconnaître les filles comme des égales ?
Pour nous, le modèle scandinave, gage d'humanité et de démocratie, représente l'espoir d'un monde sans prostitution.

Quelle Europe allons-nous construire ?

Dans quel monde voulons-nous vivre ?

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Vous pouvez signer ce texte, en cliquant ici,
seulement si vous êtes un homme.



SIGNATAIRES


Bonjour  
Ci-dessous le texte final de la constitutionnalisation des droits humains des femmes élaboré dans le cadre de l'assemblée fictive organisée par l'ATFD les 4 et 5 février 2012 au Palais des congrès à Tunis. 
Merci de signer cette pétition afin de promouvoir le respect des droits des femmes dans la nouvelle Constitution de la république tunisienne. On vous prie de la signer non seulement  en tant qu'individu-e-s mais aussi au nom des organisations, des institutions et des partis politiques.
Merci d'avance pour votre soutien.

La consitutionnalisation des droits humains des femmes


La constitution de la citoyenneté et de l'égalité à travers le regard des femmes
«La constitutionnalisation des droits humains des femmes» Tunis-2012
PRÉAMBULE
Nous, représentantes et représentants de la société civile, réuni-e-s en assemblée constituante fictive pour la constitutionnalisation des droits des femmes dans la nouvelle constitution de la République tunisienne,
• Considérant la participation massive des femmes à la révolution du 14 janvier 2011, révolution axée autour des mots d’ordre de liberté, de dignité humaine, d’égalité et de justice sociale ;
• Considérant les luttes des femmes de Tunisie dans le mouvement national et au cours des décennies précédentes, pour la consécration de la citoyenneté pleine et entière, le progrès du pays et l’évolution de la société dans le cadre d’un développement durable qui mènerait à l’édification d’une société égalitaire et démocratique ;
Et dans la continuité des acquis réalisés par le mouvement réformiste national depuis des décennies, dont le plus important est la reconnaissance dans le CSP de plusieurs droits des femmes au sein de la famille ;
• Considérant notre attachement aux valeurs universelles proclamées dans  la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et les Conventions qui l’ont suivie,
Nous déclarons notre attachement à un principe selon lequel les droits humains constituent une entité indivisible et non susceptible de restriction et que les droits des femmes sont partie intégrante de ces droits qui doivent être considérés dans leur universalité, dans leur globalité et leur unité.
Considérant que la démocratie et la liberté dans une société humaine, moderniste et égalitaire ne peuvent se construire que dans le cadre d’un Etat civil dont les lois sont positives.
Nous déclarons notre attachement aux valeurs humaines suivantes :
• L’égalité totale et effective entre les femmes et les hommes
• La citoyenneté
• La liberté
• La justice sociale
• Le traitement humain et le respect de l’intégrité corporelle, morale et sexuelle de l’être humain

Le présent préambule est une partie intégrante de la constitution.

CHAPITRE PREMIER : LES PRINCIPES GÉNÉRAUX
Article 1: L’Etat garantit l’égalité totale et effective entre les femmes et les hommes dans les droits et les devoirs dans tous les domaines publics et privés, notamment au sein comme à l’extérieur de la famille. Il ne peut y avoir de discrimination sur la base de la race, de la couleur, de la religion, du sexe, de l’appartenance à une région, de l’opinion politique, de la langue, de l’état civil, d’un handicap, quelle que soit l’origine de cette discrimination, qu’elle vienne d’ autorités publiques, d’organisations, de groupes ou d’individus.
Article 2: Les lois interdisent formellement toute forme de discrimination, et adoptent la définition qui bénéficie d’un consensus universel et qui est signifiée dans l’article premier de la CEDAW. La discrimination « vise toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice par les femmes, quelque soit leur état matrimonial, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme, des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil ou dans tout autre domaine »
Article 3: L’Etat garantit le respect de l’intégrité physique, morale et sexuelle de toutes les citoyennes et de tous les citoyens, et protège les femmes contre les violences dont elles sont victimes, qu’elles soient physiques, morales ou sexuelles, et quels que soient les raisons et l’origine de cette violence, et quelque soit l’espace où elle s’exerce.
Article 4: L’Etat garantit la citoyenneté pleine et entière selon les principes de l’égalité entre les femmes et les hommes dans le domaine politique y compris le droit d’élire et d’être éligible, le droit de vote et la participation à la chose publique politique, syndicale, associative ainsi que le droit d’occuper des postes de décision.
L’Etat s’engage à prendre toutes les dispositions nécessaires pour concrétiser la citoyenneté pleine et entière des femmes.
Article 5: L’Etat veille à la concrétisation de la justice sociale, en octroyant de façon égalitaire aux femmes et aux hommes, les mêmes chances dans les domaines politique, économique, social, culturel et dans tout autre domaine.

CHAPITRE DEUX : LES DROITS
Article 6: La constitution garantit les libertés fondamentales et les droits humains des femmes dans leur universalité, leur globalité et leur indivisibilité.
Article 7: La constitution garantit les droits civils, politiques, économiques, sociaux, culturels et environnementaux sur la base de l’égalité totale et effective entre les citoyennes et les citoyens. L’Etat adopte les dispositions et les mécanismes nécessaires pour garantir ces droits.
Article 8: La constitution accorde et garantit les mêmes droits et les mêmes obligations aux femmes et aux hommes en ce qui concerne le mariage ou sa dissolution, la responsabilité familiale, les relations au sein de la famille, l’autorité parentale et ce, quelque soit leur état matrimonial. L’Etat s’engage à adopter des politiques publiques qui visent à promouvoir les intérêts de la famille en garantissant la protection juridique, la considération sociale et morale des enfants quelle que soit la situation familiale.
Article 9: L’Etat reconnait et garantit à toutes les citoyennes et à tous les citoyens :
• Le droit à un enseignement de qualité, gratuit et obligatoire, qui cherche à promouvoir le développement des enfants, l’épanouissement de leur personnalité et à leur inculquer les principes de la démocratie et les droits humains.
• Le droit à un travail stable et décent qui permet aux travailleuses et travailleurs de travailler dans la dignité.
• Le droit à un logement décent qui puisse préserver la dignité humaine
• Le droit aux soins et aux prestations médicales gratuites et à la couverture sociale.
• Le droit des femmes de jouir des droits spécifiques liés à la grossesse et à l’accouchement et la nécessité de considérer la procréation comme une fonction sociale qui doit être assumée conjointement par les parents et les institutions de l’Etat.


Article 10: La constitution reconnaît et garantit à toutes les citoyennes et à tous les citoyens :
• Le droit de création culturelle sous toutes ses formes et le droit à la libre publication sans limites ni contraintes
• Le droit à la liberté de pensée et de création, la protection des penseurs et des innovateurs de toutes formes de contraintes, et la nécessité de considérer la culture comme un service public au même titre que l’éducation et la santé ; la nécessité de protéger la propriété littéraire, artistique, et la sauvegarde du patrimoine culturel et civilisationnel sous toutes ses formes.
• Le droit à la culture pour toutes les citoyennes et tous les citoyens.
• Le droit à la recherche scientifique et le respect des libertés académiques.
• Le droit de pratiquer le sport et les loisirs sans discrimination aucune, et sans séparation entre les citoyennes et les citoyens.

Article 11: La constitution reconnaît et garantit aux citoyennes et aux citoyens le droit de circulation à l’intérieur et à l’extérieur du pays sans discrimination aucune entre les femmes et les hommes, et sans tutelle.
Article 12: La constitution garantit à tous les individus et sans discrimination aucune la liberté de conscience, et le droit de pratiquer les cultes religieux.
Article 13: La constitution garantit à toutes les citoyennes et à tous les citoyens le droit à la différence, et les droits des minorités.
Article 14: La constitution reconnaît et garantit le droit du partage égalitaire des richesses et la transmission égalitaire de la propriété entre les femmes et les hommes.

CHAPITRE TROIS : LES GARANTIES
Les mécanismes légaux
Article 15: L’Etat oeuvre à l’application du principe de parité entre les sexes comme mécanisme constitutionnel pour la concrétisation de l’égalité dans toutes les lois, y compris les lois électorales et dans toutes les instances constitutionnelles, publiques et administratives.
Article 16: L’Etat s’engage à mettre en place tous les mécanismes qu’il faut, et toutes les dispositions nécessaires pour mettre en application le principe de non discrimination et multiplier les opportunités qui permettent aux femmes de bénéficier de leurs droits civils et politiques, et de participer à l’élaboration des lois.
Article 17: L’Etat reconnaît la supériorité sur les lois internes des conventions internationales, ratifiées par l’Etat tunisien et qui garantissent les droits humains.
Article 18: L’Etat s’engage à interpréter les dispositions concernant les droits humains et les libertés fondamentales publiques et individuelles sur la base de la Déclaration  Universelle des droits Humains et des conventions internationales ratifiées par l’Etat tunisien ayant le même objet et, notamment la Convention Internationale sur l’Elimination de toutes les formes de Discrimination à l’égard des Femmes.
Article 19: L’Etat s’engage à mettre en place une loi-cadre contre les violences faites aux femmes, à criminaliser les violences physiques, morales et sexuelles faites aux femmes dans les espaces publics et privés, et à les considérer comme une atteinte grave aux droits humains, une discrimination à l’égard des femmes, et une atteinte à l’ordre public. L’Etat prend les dispositions et mesures nécessaires et immédiates pour protéger l’intégrité physique, morale et sexuelle des femmes et des fillettes.

Les mécanismes institutionnels
Article 20: L’Etat s’engage à instituer un tribunal constitutionnel indépendant pour contrôler la constitutionnalité des lois et leur adéquation aux conventions internationales relatives aux droits humains ratifiées par l’Etat tunisien,
L’Etat reconnaît le droit aux citoyennes et citoyens et aux associations de la société civile de se constituer partie civile.
Article 21: L’Etat s’engage à instituer un observatoire pour la protection et la prévention des droits humains des femmes et contre les violences basées sur le sexe.
Article 22: L’Etat s’engage à instituer une instance indépendante qui veille au respect des droits humains sur la base des principes de Paris*, où seraient représentées les associations de femmes et les associations de défense des droits humains, et qui aurait une représentation à l’échelle régionale et locale.
*Décision de l’Assemblée des Nations Unies de 1992 sur les principes de création d’institutions nationales indépendantes pour la protection des droits humains.
ATFD

Thursday, June 07, 2012

Gender-related asylum claims in Europe


Lundi, 04 Juin 2012 10:11

Gender-related asylum claims in Europe: a comparative analysis of law policies and practice focusing on women in nine EU Member states. 

France terre d'asile, Asylum Aid, Commission espagnole d’aide au réfugié (CEAR), Conseil italien pour les réfugiés (CIR), et le Comité Helsinki hongrois (HHC).

visuel-rapport-gensen
Le rapport « Gender-related aysulm claims in Europe » est une analyse comparative des législations, politiques et pratiques dans 9 Etats membres de l’Union européenne : la Belgique, la France, la Hongrie, l’Italie, Malte, la Roumanie, l’Espagne, la Suède et le Royaume-Uni. L’étude s’intéresse aux décisions rendues pour les demandes d’asile liées au genre, ainsi qu’aux procédures d’asile et aux conditions d’accueil observées dans ces différents pays.
Ce rapport est l’aboutissement d’un projet européen co-financé par la Commission européenne, dont l’objectif était de promouvoir l’harmonisation de la prise en compte du genre dans les régimes d’asile à l’échelle européenne.
Cette recherche démontre de fortes disparités entre les Etats membres. Elle permet toutefois d’identifier un certain nombre de bonnes pratiques.
Le rapport et ses recommandations ont été présentés le mercredi 30 mai à Bruxelles. Celui-ci a été accueilli de manière très positive par plusieurs représentants des institutions européennes (Parlement européen, Commission européenne, Présidence du Conseil, Bureau européen d’appui en matière d’asile…).
Pour lire le rapport (en Anglais), cliquez ici.
Pour lire la synthèse du rapport (en Anglais), cliquez ici.

Thursday, May 24, 2012


POUR INFO / COMMUNIQUE DE PRESSE

LIGUE DU DROIT INTERNATIONAL DES FEMMES
                                     Créée par  Simone de Beauvoir : http://www.ldif.asso.fr
                         6 Place Saint-Germain des Prés, 75006 Paris, France 
                                                                                                    COMMUNIQUE                                                                                                                                                                                                                  Le 29 février 2012

Les NU  bafouent la règle de neutralité du sport pour plaire à Téhéran !

Alors que l’IFAB, seul organe compétent pour élaborer et appliquer les règles du football, doit prendre le 3 mars prochain une décision sur l’autorisation du port du hijab islamique dans les stades, Wilfried Lemke conseiller spécial du secrétaire général de l’ONU pour le sport au service de la paix et du développement, a prôné aujourd’hui dans un communiqué, qu’une telle autorisation soit accordée.

Sous prétexte de compassion à l’égard des femmes soumises aux lois islamiques, le représentant des NU, qui devrait être porteur d’une vision universaliste des droits, apporte un soutien éclatant aux pires dictatures, en l’occurrence au régime des mollahs de Téhéran qui depuis 1991 fait le lobbying des instances sportives pour obtenir cette autorisation. D’autre part il incite ainsi les autorités du football et du sport en général à bafouer l’un des fondements du sport moderne, la règle de neutralité politique et religieuse (Loi 4 du règlement sur l’équipement des footballeurs similaire à la règle 51 de la Charte Olympique interdisant toute expression politique ou religieuse).

A-t-on oublié les dérives qui se sont produites lorsque les idéologies se sont invitées dans les terrains de sport ?  A-t-on oublié que même pour des causes justes, comme celle que défendaient les athlètes Noirs américains Tommy Smith et John Carlos, lors des JO de 1968 à Mexico, la sanction a été implacable ? A-t-on oublié les athlètes français à Pékin auxquels on a interdit de marquer leur critique à l’égard de la dictature chinoise en portant un badge avec le slogan pourtant extrait de la Charte Olympique  « pour un monde meilleur » ? A-t-on oublié ce footballeur israélien sanctionné à Vienne pour avoir porté lors d’un match une kippa ? Et cet autre footballeur brésilien exclu pour avoir soulevé son Tshirt et dévoilé un sous-vêtement avec «  I belong to Jesus ! » ?

C’est qu’en réalité la vraie question est celle des enjeux financiers : il y a l’immense marché, costumes islamiquement corrects. …mais il ya aussi les exigences des plus grands sponsors en tête desquels les pays du Golfe.

En prenant cette position les Nations Unies réduisent en cendres les efforts des pionnières musulmanes d’Afrique du Nord qui a l’image de la grande Hassiba Boulmerka avaient tenu tête aux intégristes et osé affirmer «  de la même manière qu’il ne me viendrait pas à l’esprit de porter un short dans une moquée, je ne porterais pas un hijab dans un stade ».

La position de la LDIF de soutien à la neutralité du sport est unanimement approuvée par le Lobby Européen des Femmes qui rassemble 2500 ONG.

Annie Sugier
Présidente de la LDIF , membre du Lobby Européen des Femmes (*)

Tuesday, May 22, 2012


Liberté, Egalité, Parité, toujours !

Nous ne devrions pas avoir à écrire ni à signer ce texte. Les femmes n'ont-elles pas les mêmes droits civiques - celui de voter et d’être éligible- que les hommes depuis 68 ans déjà? Des lois dites de parité n'ont-elles pas été votées dès 1999, première mondiale érigeant en principe le fait de favoriser l'égal d'accès aux mandats électoraux et aux fonctions électives ? Et ne vient-on pas de nommer le premier gouvernement paritaire de la 5eme République? Alors comment se fait-il que le pouvoir soit en fait toujours aussi viril ?

L’exclusion des femmes demeure une réalité dans les instances de pouvoir: l’Assemblée nationale élue en 2007 lors de dernières législatives était à 81,5% masculine. Depuis 1988, sur les 577 circonscriptions, 413 n’ont envoyé aucune femme à l’Assemblée. Cette année, l'UMP n’a investi que 28% de femmes candidates aux législatives. Le classement de notre pays concernant la proportion de femmes parlementaires empire avec les années : la France est aujourd’hui à la 69eme place au niveau mondial.

Cette exception française et cette résistance de l’Assemblée Nationale, - institution pourtant emblématique de la démocratie représentative - incarne le fait qu’au-delà des équations individuelles, l’inertie d’un ordre sexué perdure. Celui-ci puise ses racines dans notre histoire, y compris démocratique : la citoyenneté à la française pensée par les Lumières fait encore de l’ombre aux femmes qui ont été exclues d’un universalisme en réalité masculin. Leur sexe faisant d’elles des êtres d’instinct plus que de raison, elles ont été exclues de la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen, du suffrage universel, du Code civil…  Il nous reste encore à mener un travail de désacralisation de ces principes, entamé par les mouvements féministes pro-parité des années 90.

En conséquence, le monde politique se caractérise encore aujourd'hui par un sexisme ordinaire, parfois inconscient. L’inclusion des femmes, telle que nous venons de le voir au sein du gouvernement, n’est ainsi pas contradictoire avec la persistance de leur exclusion du pouvoir. Il s’exprime par la désignation de candidates dans des circonscriptions  « difficiles », voire « ingagnables », mais aussi par le fait qu’elles sont souvent choisies pour leur cumul de différence (sexe, origine réelle ou supposée , âge, affiliation associative, etc.) plutôt que pour leur engagement partisan. Elles sont donc moins autonomes par rapport à celui qui leur a fait la faveur de les choisir.

Enfin, cette mandature se clôt sur des tentatives de remise en cause de la parité. En atteste la réforme territoriale, qui, en remplaçant les conseillers généraux et régionaux par des conseillers territoriaux élus au suffrage uninominal, le mode de scrutin le plus défavorable à la parité, aura pour conséquence de faire reculer de manière spectaculaire les progrès accomplis depuis 2000 au niveau des collectivités locales.

Renaît, avec le renouvellement de l’Assemblée nationale,  l'espoir de voir la parité progresser de nouveau. Nous, militantes féministes, nous, candidat-e-s aux législatives, nous, universitaires, nous voulons participer à l’ouverture d’une nouvelle ère de la parité. Pour y parvenir, nous défendons un renforcement des lois dites sur la parité. Afin que la sanction financière ne soit pas qu’incitative mais aussi contraignante, nous soutenons une suppression pure et simple de toutes les aides publiques aux partis qui ne respectent pas la parité des candidatures aux législatives. Afin de lutter contre la professionnalisation et la confiscation de la vie politique, nous défendons une limitation du cumul des mandats simultanément (interdiction du cumul entre un mandat parlementaire et un exécutif local) et dans le temps (pas plus de deux mandats). Nous nous mobiliserons enfin pour que la constitution « garantisse » et non plus seulement « favorise » l'égalité, changement sémantique préalable à des mesures plus ambitieuses encore.

La question du partage du pouvoir ultime, le pouvoir politique, est centrale. Remettre en cause le monopole du pouvoir par la moitié masculine de la population n'est ni anecdotique, ni l'apanage d’une élite, ni un luxe outrancier en période de crise. C'est questionner le sens de notre démocratie, la place qu'occupe chacun-e d’entre nous et la manière dont nous voulons vivre et décider ensemble. Toutes et tous ensemble.


Tribune à l’initiative d’Osez le féminisme et du Réseau féministe « Ruptures »
10 mai 2012


Premier-e-s signataires

Militantes féministes
Thalia BRETON, Porte-parole d’Osez le féminisme !
Magali DE HAAS, Porte-parole d’Osez le féminisme !
Julie MURET, Porte-parole d’Osez le féminisme !
Anne-Cécile MAILFERT, Militante d’Osez le féminisme !
Monique DENTAL, Réseau féministe Ruptures


Universitaires
Réjane Sénac, Chercheure CNRS-CEVIPOF

Tribune ouverte à signatures de militantes et d’associations féministes, de candidat-e-s aux législatives de 2012 et d’universitaires.
Signatures à transmettre à contact@osezlefeminisme.fr avec la façon dont le/la signataire souhaite être présenté-é

Des dangers menacent l’école de la République


Des dangers menacent l’école de la République
Sans avoir été consultés, ni informés, les responsables des institutions et des syndicats
de l’enseignement ainsi que les enseignants apprennent, par voie de presse, le projet de
régénération de l’université de la Zitouna qui, outrepassant ses prérogatives théologiques
d’autrefois, se propose de dispenser un enseignement général à des élèves dès l’âge de douze
ans et ambitionne de créer différentes filières d’enseignement supérieur en sciences humaines
et exactes, en médecine, en génie civil, etc…
Ce projet qui envisage de désagréger l’enseignement public, vise, aux dires de ses
initiateurs, à pallier ses insuffisances.
Le samedi 12 mai 2012, le projet annoncé quelques jours auparavant, devient réalité.
En présence du représentant personnel du président du conseil des ministres et du président du
mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi., une convention est signée par Houcine Labidi,
responsable de l’enseignement zitounien et par les ministres des Affaires religieuses, de
l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur. Cette convention, déclare M. Houcine
Labidi « fait office d’engagement de soutien et de solidarité de l’Etat à l’égard de cette
honorable institution sans plus. Notre enseignement est indépendant de toute partie.» (La
Presse, mardi 15 mai 2012).
Ce n’est pas tant la relance de l’enseignement zitounien que la totale liberté de cette
institution et la mainmise des wahhabites et des chefs de l’islam politique qui suscitent
l’inquiétude des défenseurs de l’école de la République tunisienne et de certains théologiens
prônant un islam sunnite modéré. En effet, nul ne conteste les bienfaits d’un enseignement
religieux capable de former des théologiens dignes de ce nom, c’est-à-dire des penseurs
soucieux d’inscrire la religion musulmane dans son siècle, dans le respect des libertés
fondamentales, des lois du pays, des autres cultures et des autres religions. Un tel
enseignement sauverait, peut-être, le pays du diktat des cheikhs autoproclamés et de l’islam
politique dont ils sont les défenseurs acharnés.
Malgré les allégations de M. Houcine Laabidi, qui dénie toute allégeance de la
nouvelle institution à une personne ou à un parti, la volonté politique de poser les bases d’un
islam radical est évidente. La présence de M. Rached Ghannouchi, les louanges dont il a été
couvert, la violence exercée par des groupes d’extrémistes sur des journalistes ou de simples
citoyens témoignent de la politisation de l’enseignement comme d’une volonté de changer le
visage de la Tunisie et de détruire l’héritage bourguibien.
Déjà fonctionnel, le centre d’enseignement zitounien fait fi des lois et des règlements
de la République en réactivant tout un appareil juridique en pratique sous le protectorat
français. Ainsi, c’est au moyen d’une levée des scellés apposés en 1958 qu’il s’octroie le droit
de s’approprier tant la Grande Mosquée que la mosquée de Sidi Youssef et les locaux de
l’Institut supérieur des sciences humaines de Tunis.
Indépendant de toute tutelle, libre d’élaborer ses programmes et ses diplômes, cet
enseignement, dont les méthodes pédagogiques et les financements demeurent indéfinis,
menace l’enseignement de la République. Rappelons qu'en Tunisie, tous les établissements
d’enseignement privés du primaire au supérieur ont pour obligation de suivre les programmes
publics et d'être contrôlés. La nouvelle Zitouna serait donc seule à échapper au droit commun.
Les choix modernistes de la Tunisie ont su mener, dans le respect et dans la droite
ligne de l’histoire et des traditions nationales, les Tunisiens à acquérir et approfondir sans
préjugés et en toute indépendance des connaissances qui permettent aujourd’hui à l’État
comme aux citoyens de faire face aux questions économiques, politiques et morales et de
rester debout.
Ainsi, face à cet enseignement qui ne peut que renforcer le courant salafiste et au
danger de régression qui guette les institutions scolaires et universitaires et, par conséquent la
société tunisienne tout entière, il est nécessaire de constituer un Comité national de veille,
d’action et de défense de l’école de la République dont le but serait d’unir toutes les forces
démocratiques afin que l’école républicaine, un des principaux acquis de l’indépendance, soit
sauvée.
Rabâa BEN ACHOUR-ABDELKEFI
Universitaire
Mai 2012

la tourmente de la nouvelle inquisition


L’intelligentsia tunisienne dans la tourmente de la nouvelle inquisition
A Nouri Boukhchim, Youssef Essedik, Olfa youssef, Jawhar Ben Mbarek et aux autres victimes
de la nouvelle inquisition, ce texte en guise de solidarité
Le philosophe Youssef Essedik, l’universitaire et écrivaine Olfa Youssef, le Professeur de droit
constitutionnel et animateur du réseau Doustourouna, Jawhar Ben Mabarek, l’historien Nouri
Boukhchim sont les dernières cibles du fanatisme religieux. Si les deux premiers sont des
« habitués » de « la chasse aux sorcières » qui réapparaît dans nos contrées, les deux autres sont
venus grossir ces derniers jours la longue liste d’universitaires, d’intellectuels et d’artistes, devenus
les représentants emblématiques d’une intelligentsia prise dans la tourmente de la nouvelle
inquisition menée par des extrémistes religieux qui se sont juré de « bouffer de l’intellectuel » dans
cette période transitoire ouverte aux scénarios les moins rassurants.
La seule lecture et la seule vision du monde qui comptent : celle des salafistes
De ce point de vue, ces nouveaux inquisiteurs n’ont rien à envier à leurs ancêtres qui se sont
acharnés, pendant les années 30 du siècle dernier, sur notre penseur et grand réformiste, le
Cheikh Tahar Haddad. Ce pionnier du syndicalisme en Tunisie, ce féministe avant la lettre, dont
la pensée s’est inscrite dans le prolongement du courant réformiste tunisien et qui a inspiré l’un
des codes fondateurs de la Tunisie moderne, à la base de l’émancipation de la femme, le Code du
Statut Personnel, a été durement combattu et condamné de son vivant par des Zeitouniens
ultraconservateurs, ce qui l’a acculé à l’exil, à une vie de paria et de misère, responsables d’une
mort précoce.
Certains de ces nouveaux inquisiteurs ont même décidé de le persécuter dans sa tombe qu’ils
ont profanée le mercredi 2 mai au lendemain de la célébration de la Fête du travail qui a vu la foule
des manifestants sur l’Avenue Bourguiba arborer son effigie à côté de celles de Farhat Hached et de
Mohamed Ali Hammi. L’épitaphe à sa mémoire, rédigée par le grand journaliste Hédi Lâabidi, a
été peinte en noir, ainsi que ses dates de naissance et de décès. Ne faut-il pas, à leurs yeux, brûler
les icônes de la libre pensée et leurs disciples? Tahar Haddad, devient de ce point de vue une cible
privilégiée parce qu’il a appelé à un retour à l’Ijtihad, qu’il a, selon la formule de Aboul Kacem
Mohamed Kerrou dans son livre Tahar Haddad publié en 1957, « milité avec sa plume et son
esprit, sa poésie et sa prose comme personne avant lui et personne d'autre jusqu'à présent » et
qu’il « a sacrifié sa vie pour défendre la liberté d'expression et de recherche ».
Youssef Essedik, et Olfa Youssef sont voués aux gémonies parce qu’ils ont osé pratiquer
l’Ijtihad et brisé beaucoup de tabous. Il était, par conséquent, hors de question qu’ils s’adressent au
public le dimanche 23 avril à Kélibia, encore moins pour parler du fanatisme religieux. Olfa
Youssef, menacée, a jugé prudent de ne pas se présenter. Youssef Essedik, bravant l’interdiction et
les intimidations, donnera sa conférence religieuse mais sera contraint à s’adresser au public, dans
un bureau fermé et derrière une fenêtre. Il n’aura même pas cette opportunité lors du colloque
organisé le mercredi 26 avril à l’université Zitouna autour de la constitution et de la charia
islamique. Ses censeurs ont obtenu gain de cause, personne parmi les organisateurs ne prenant le
risque d’imposer le droit du penseur à exprimer son point de vue sur le thème, objet du colloque, si
bien que les salafistes présents se sont arrogé un droit de véto contraire aux principes du dialogue
et de la tolérance, fondements de l’Islam, tel qu’il nous a été légué par d’illustres ulémas de la
Zitouna, hypothéquant par là même la liberté de pensée et les libertés académiques.
Jawhar Ben Mbarek ne peut passer, quant à lui et à leurs yeux, que pour le mécréant suprême
puisqu’il est l’animateur d’un réseau qui initie, dans la Tunisie profonde, considérée par les
salafistes comme leur fief, les citoyens à des concepts comme l’état de droit, la notion de
constitution ou celle de république civile alors que les extrémistes religieux ne reconnaissent pas
les lois positives et jugent que les Tunisiens n’ont pas besoin de constitution puisqu’ils en ont une :
Le Coran. Tomber à bras raccourcis sur le mécréant, au sens propre du terme au point de lui faire
subir un traumatisme crânien, simuler sa mise à mort par égorgement, dans le but de le terroriser,
saccager sa voiture et celle de ses accompagnateurs deviennent des actes que légitime la parole
divine (sic !). L’un des députés de la Constituante ne s’est-il, du reste, pas appuyé sur le texte sacré
, faisant une lecture ultra-orthodoxe, pour ne pas dire erronée des versets cités, pour appeler à la
répression sauvage de sit-ineurs qui ne réclamaient pourtant que le droit au travail ou
l’amélioration de leurs conditions de vie ?
La situation apparaît d’autant plus grave que les agresseurs jouissent de l’impunité la plus
totale. Pire même, certains représentants du pouvoir en place n’hésitent pas à parler des talents de
comédien de Jawhar Ben Mbarek quand ils ne font pas preuve d’une indulgence suspecte vis-à vis
des assaillants. On fait circuler le bruit que la tombe de Tahar Haddad, n’a pas été profanée. Son
neveu Mohsen Haddad, qui n’a cessé de faire dans les médias des déclarations confirmant la
profanation, serait-il un mythomane ? Les militants de la société civile, venus avec des roses et
des fleurs se recueillir sur sa tombe le vendredi 4 mai pour le réhabiliter et réparer le préjudice
moral que sa mémoire a subi, seraient-ils crédules ou de grands acteurs devant l’éternel, complices
d’une grande machination ?
Historique d’une campagne savamment orchestrée
A côté de ce déni de réalité, on observe chez certains acteurs de la vie politique et même
chez certains de nos concitoyens une amnésie qui leur fait oublier ces faits gravissimes ou une
stratégie de la banalisation qui leur fait minimiser d’autres évènements aussi préoccupants. A ceux
qui se vantaient dans un passé récent d’avoir une mémoire d’éléphant mais dont la faculté de
réminiscence est devenue subitement très sélective ou oublieuse dans le but évident de maquiller
en actes isolés sans relation les uns avec les autres une campagne d’agressions savamment
orchestrée contre les intellectuels, les universitaires et les artistes tunisiens, et pour banaliser les
constantes violations des libertés, il est de notre devoir et sans prétendre à l’exhaustivité de
rappeler, pour ne pas les encourager à noyer le poisson et à pratiquer le « fardage » politique et
dans le souci de témoigner devant l’histoire, les violences subies par les acteurs de la vie culturelle
et universitaire depuis plus d’une année.
Les salafistes perturbent le fonctionnement normal des institutions culturelles publiques et
privées ou empêchent le déroulement de manifestations culturelles et artistiques. Nouri Bouzid, le
cinéaste connu pour son anticonformisme et son engagement en faveur des Lumières, a été blessé
à la tête le 9 avril 2011 par un objet pointu. En mars de la même année, un groupe d’artistes
tunisiens, comprenant entre autres la cinéaste Selma Baccar et la comédienne Leïla Chabbi, a été
menacé par des salafistes et empêché de présenter des films et des pièces de théâtre dans le camp
de réfugiés de Ras-Jedir sans compter l’agression contre la salle de cinéma AfricArt, son gérant et
ses spectateurs, en juin 2011 ni celle visant le 25 avril dernier les comédiens et les artistes venus
présenter un spectacle pour célébrer sur l’avenue Bourguiba la Journée internationale du théâtre.
.
L’année académique actuelle a été émaillée, dans de nombreux établissements scolaires, par
des incidents graves et multiples fomentés par des salafistes voulant y imposer le niqab. Nous
n’avons pas, à leur propos, beaucoup d’informations parce qu’ils n’ont pas été suffisamment
médiatisés. Ce sont des facebookers qui en ont rendu compte sans être relayés par les médias.
Mais c’est l’université qui a été sous les feux des projecteurs, et les auteurs des incidents, dont elle
a été le théâtre, ont ciblé les facultés des lettres, les facultés des sciences humaines et sociales, les
instituts des Arts, l’Université Zitouna, et spécialement, la Faculté des Lettres, des Arts et des
Humanités de la Manouba, et les femmes.
L’une d’entre elles, Rafika Ben Guirat, professeure de marketing et de communication à
l’Ecole supérieure de Commerce de Manouba a vu, le 31 octobre 2011, des inconnus encercler
l’amphithéâtre où elle dispensait un enseignement. Ils n’ont cessé de crier, de la huer,
interrompant son cours parce qu‘ils en voulaient à sa tenue, jugée – à tort – irrespectueuse d’un
point de vue religieux alors qu’il ne lui semblait pas indisposer qui que ce soit en portant une tenue
décente aux couleurs du drapeau national qui sera profané quelques mois plus tard. Cette allergie
aux couleurs ne semble pas être le fait des seuls salafistes. Le 2 mai dernier, les Journées culturelles
de la FLAHM ont été sabotées par un groupuscule d’étudiants ayant une aversion pour le blanc et
le bleu, couleurs emblématiques de l’Etat d’Israël qui figuraient, par malheur, sur l’une des dix
affiches qui faisaient la publicité des Journées. Accuser l’association culturelle choisie pour fournir
la logistique nécessaire à la manifestation d’être pro-sioniste, sur la base du choix des couleurs de
cette affiche, relevait de l’absurde. Pourtant ces étudiants, pour lesquels le ridicule ne tue pas, ont
franchi le pas. Menacée, pourchassée vraisemblablement à cause d’une histoire de couleurs
analogue puisqu’elle ne portait objectivement pas de tenue indécente, Rafika Ben Guirat n’a dû
son salut qu’à la protection de ses étudiants qui lui ont suggéré de sortir par une porte dérobée et
qui l’ont escortée jusqu’aux bureaux de l’administration où elle s’est enfermée pour échapper à la
furie de ses assaillants.
Le 23 novembre 2011, quelques jours avant l’invasion de la FLAHM par les salafistes ,la
deuxième professeure, Asma Saïdane Pacha, exerçant à l’Institut Supérieur des Arts et Métiers de
Kairouan, a été insultée, humiliée et prise en otage, pendant deux heures par des extrémistes
religieux, dans une protestation qui est une répétition, à l’échelle d’une petite institution
universitaire, des manifestations ayant suivi la diffusion par la chaîne de télévision privée Nessma
TV du film Persépolis. Il lui est reproché d’avoir proposé, à l’occasion d’un examen, le
commentaire d’une reproduction de la fresque de Michel-Ange à la Chapelle Sixtine, représentant
la création d’Adam. Cette peinture a été, à l’instar du film iranien, jugée hérétique et contraire
aux préceptes de l’Islam qui interdisent la représentation de Dieu.
Cinq semaines auparavant, au milieu du mois d’octobre 2011, une autre professeure,
enseignant la doctrine islamique à l’Institut Supérieur de Théologie de Tunis, s’est vue intimer par
ses étudiants l’ordre de porter le hijab si elle voulait continuer à enseigner. Sa tenue vestimentaire,
considérée comme non conforme aux enseignements de la charia, ne l’autorisait pas, selon eux, à
enseigner la doctrine islamique ! Insultée, qualifiée de mécréante sur des affiches placardées sur les
murs de l’Institut, et non soutenue par ses collègues, elle a choisi de demander sa mutation.
C’est surtout aux femmes que les salafistes s’en sont pris à la FLAHM dont les enseignants ont
été victimes d’agressions répétées et d’un harcèlement sans merci pour avoir défendu les valeurs
universitaires et leurs prérogatives pédagogiques menacées par les salafistes qui veulent imposer le
niqab pendant les activités académiques. Ces derniers, à l’image de ceux qui opposent leur véto aux
conférences religieuses de Youssef Essedik et d’Olfa Youssef, se considèrent comme les
dépositaires de la vérité en matière religieuse. Wissem Othamani, l’un de leurs chefs, étudiant à la
Faculté de droit, devenu célèbre pour avoir interdit le 6 décembre 2011 au doyen de la FLAHM
l’accès à son administration, n’a-t-il pas traité sur les ondes de Shems FM le Cheikh Abdelfattah
Mourou d’ignorant, lorsque ce dernier a essayé de lui expliquer que le port du niqab n’était pas une
obligation religieuse islamique ? Comme ceux qui ont empêché le Professeur Jawhar Ben Mabarek
de faire une conférence sur la Constitution, ils se rebellent contre les lois positives et désirent
imposer des lois compatibles avec leurs croyances religieuses. Pire même, ils livrent une guerre
sans merci à tous ceux qui, dans le camp laïc ou religieux, militent pour une république civile et
démocratique et ils font des pressions énormes pour l’avènement d’un régime théocratique, aidés
en cela par ceux qui, au sein du parti actuellement au pouvoir, excellant dans l’art du double
langage, préparent cet avènement. Le débat constitutionnel momentanément clos, relatif à la
charia comme source principale de la législation et qui a divisé Ennadha, s’inscrit dans cette
optique et il me semble l’expression, au sein de ce mouvement, des tiraillements internes sur la
nature du régime à venir.
La descente aux enfers de Nouri Boukhchim au tribunal de l’Inquisition
C’est au tour de Lotfi Boukhchim, ce jeune enseignant à la Faculté des Lettres et des Sciences
Humaines de Kairouan qui assure un enseignement d’architecture et d’arts islamiques dans le cadre
du Mastère des Sciences du Patrimoine, initié par la Faculté des Sciences Humaines et Sociales de
Tunis (9 avril) d’être, le dimanche 29 avril dernier dans la prestigieuse mosquée Zitouna, la
victime des inquisiteurs qui se sont autoproclamés redresseurs de torts qu’eux seuls relèvent parce
qu’ils sont victimes de leur imagination débridée et de leur sectarisme liberticide, et qui s’arrogent
les attributions d’une brigade de la promotion de la vertu et de la prévention du vice. C’est ce
collègue à qui les extrémistes religieux ont interdit de faire une leçon sur le terrain et qu’ils ont,
pour ce faire, insulté, violenté physiquement, harcelé moralement, tourné en dérision et humilié
en présence de ses étudiants. Comme nos collègues précédemment cités, il est accusé de
mécréance : c’est un païen. Puisqu’il s’occupe d’architecture, il ne peut qu’idolâtrer la pierre
(sic !). On se croirait dans un conte de Voltaire ! A cette accusation d’hérésie s’ajoute un autre
reproche. Il s’occupe, comme certains de ses collègues à Manouba des études islamiques. Comment
ose-t-il ? Les recherches dans le domaine de l’Islam ne devraient-elles pas être la chasse gardée des
prédicateurs religieux auxquels on peut joindre, à la rigueur, les enseignantes et les enseignants de
l’université Zitouna : pas toutes, mais seulement celles qui portent le hijab ; pas tous, mais
uniquement ceux qui ne sont pas suspectés d’être des musulmans éclairés. Ces dernières et ces
derniers seraient les seuls à avoir le droit d’assurer un enseignement et de faire des recherches dans
le domaine de la civilisation islamique. C’est cette stratégie de l’exclusion et de
l’excommunication qui explique que nous ayons atteint, avec l’agression contre Nouri Boukhchim,
le point culminant de l’effroyable, de l’abominable !
C’est un effroyable calvaire en trois actes que notre collègue a vécu dans cette matinée du 29
avril dernier et qui risque de marquer sa vie. Il est, ainsi que ses étudiants, très mal accueilli par le
personnel de la mosquée. L’hostilité des « hôtes » à leur égard se traduit par une interdiction
absolue de faire la leçon malgré l’autorisation accordée par l’autorité de tutelle. Après des
négociations difficiles, l’accès au patio de la mosquée leur est permis alors que la salle de prière leur
est interdite : le groupe était constitué d’étudiants et d’étudiantes et l’Islam interdit, de leur point
de vue, la mixité si bien que l’accès à la salle de prière par un groupe mixte est perçu comme une
profanation. Le second acte de ce calvaire pourrait être intitulé « le procès » car il s’agit d’un
procès en bonne et due forme, intenté au professeur abasourdi devant ses étudiants ahuris, par des
inquisiteurs qui sont à la fois juge et partie. Son témoignage diffusé sur Facebook donne la chair de
poule. C’est comme s’il avait comparu devant un tribunal de l’Inquisition. Asma Saïdane Pacha
accusée de faire, à l’ISAM de Kairouan, des commentaires de tableaux personnifiant Dieu et à qui
on a ordonné, en expiation de sa faute, de réciter la « chahada » et « de proclamer publiquement
[son] repentir d’avoir insulté l’Islam », n’a pas hésité à faire cette comparaison. Elle a confié à
Human Rights Watch avoir eu le sentiment de se tenir « face à un tribunal de l’Inquisition ».
La salle de prière de la prestigieuse mosquée est transformée en salle de tribunal. Les
enseignants et leur chef se transforment en juges impitoyables : « Le cheikh des enseignants (je ne
voudrais pas divulguer son nom) était entouré d’un grand nombre de cheikhs alignés sur une
seule rangée (parmi lesquels – semble-t-il – des enseignants de la Faculté de Théologie mais je
n’en suis pas sûr). Des centaines d’étudiants se sont assis devant eux. Le cheikh m’a ordonné de
m’asseoir. Il m’a pris l’autorisation qu’il a commentée avec beaucoup d’ironie et de mise en
scène ». L’acte d’accusation est une somme d’injures, de griefs sans fondement, de jugements de
valeur non étayés par des preuves : « Il a commencé par m’abreuver d’un torrent d’accusations,
de sarcasmes, d’injures, m’accusant d’être un intrus infiltré, un communiste, un mécréant,
d’idolâtrer la pierre, d’enseigner le mezoued et d’inciter à la décadence morale ». Le public,
acquis à la cause de l’inquisiteur, participe à la curée, condamnant sans appel le professeur dans une
parodie de jugement qui nie le droit de l’inculpé à assurer sa défense et qui est pire, de ce fait, que
la justice expéditive : « A chaque fois, il [le cheikh] me criait au visage : « Tais-toi ! ». Les voix,
derrière moi, reprenaient en choeur : « Tais-toi ! », et la foule de glorifier Allah : « Allahou
Akbar ! Allahou Akbar ! Allahou Akbar ! »…. J’ai essayé de me défendre. Les cheikhs qui étaient
debout et la multitude m’ordonnaient de me taire. Les garçons, parmi mes étudiants, ont essayé
de défendre leur professeur qui était humilié sous leurs yeux. Ils ont essayé de se défendre et de
défendre les étudiantes qui étaient restées dans le patio de la mosquée mais ils ont été incapables
de résister à l’énorme masse des agresseurs qui se sont répandus contre moi en injures au point
que j’ai failli m’évanouir ». La mise en scène tente de conférer une solennité à une cérémonie qui
relève de la farce tragique. La farce réside dans les accusations de mécréance dont le ridicule et le
caractère grotesque sont d’autant plus évidents que Nouri Boukhchim est un musulman pratiquant.
Il a d’ailleurs tenu à le confier lors du témoignage qu’il a fait à l’occasion de l’assemblée générale
syndicale des enseignants de la FSHS de Tunis. La tragédie découle des humiliations subies par
notre collègue qui sont allées crescendo avec le troisième acte du supplice : le verdict.
La sentence et son exécution sont plus offensantes que le procès lui-même. On décide de
chasser le grand coupable de la mosquée après l’avoir excommunié et on le jette en pâture à la
foule : « Le cheikh s’est moqué de mes diplômes, de ma qualité d’enseignant et il a appelé les
présents à me jeter dehors. Quand je me suis réveillé, la foule vociférait devant moi, me poussait
vers la sortie et ressassait : « Traître ! Communiste ! Corrupteur ! Nous avons repris la mosquée
et nous ne permettrons pas à tes semblables d’y mettre les pieds … Sors, espèce de (je ne sais plus
quoi) ! Tu es venu pour profaner la mosquée. Dégage, toi et tes élèves ! ».. Nouri Boukhchim
poursuit son récit en mettant l’accent sur le préjudice moral subi : « Bref, nous avons été éjectés de
la salle de prière avec beaucoup de violence, (tantôt traînés, tantôt bousculés) avec beaucoup de
mépris, de sarcasmes et de ressentiment. Mon visage était aspergé de postillons, émis par un
grand nombre d’entre eux tandis qu’ils vociféraient. Ils ne m’ont pas donné l’occasion de
m’expliquer. Je n’ai pas réussi, malgré mes tentatives, à le faire. Les portes de la salle de prière
ont été très rapidement fermées derrière nous alors que nous étions poursuivis comme des rats.
Notre seul tort, c’est que nous étudions le patrimoine islamique dans la mosquée Zitouna ».
Trois jours après ces incidents effroyables, Nouri Boukhchim était encore sous le choc avec
le sentiment déchirant d’avoir vécu un malheur. Ses étudiants ne sont pas non plus arrivés à s’en
remettre. C’est un enseignant écoeuré, blessé dans sa dignité, traumatisé, au bord de la dépression
qui est venu témoigner lors de l’assemblée générale syndicale tenue le 2 mai à la Faculté des
Sciences Humaines et Sociales de Tunis et au cours de laquelle il a repris presque terme à terme son
témoignage à la fois émouvant et révoltant diffusé sur Facebook : « Malgré la sympathie exprimée
par quelques uns et les tentatives faites par d’autres pour nous calmer et nous remonter le moral,
je n’ai pas pu assimiler ce qui nous est arrivé, moi et mes étudiants… Je n’ai pas d’autre choix
que celui de faire mon deuil de mes diplômes et des années de ma vie que j’ai perdues sur les
bancs de l’école (j’ai fait mon entrée à l’école en 1980). C’est un jour sombre dans ma vie.
Toutes les années de jeunesse que j’ai perdues sur les bancs de l’école ne m’ont servi à rien.
Sincèrement, je ne possède rien ici-bas et je ne posséderai rien d’autre que mes diplômes et mon
statut d’enseignant. Aujourd’hui, j’ai été dépossédé de tout cela ! Ils se sont acharnés à
m’humilier et à humilier mes étudiants, à bafouer la matière que j’enseigne, l’université où
j’enseigne…. Il n’y a de Dieu qu’Allah et il n’y a de pouvoir et de puissance qu’avec l’aide
d’Allah ».
En l’écoutant, je me suis surpris à penser : « Nouri Boukhchim, c’est moi ! » et le film de
l’agression dont j’ai été la victime le 6 décembre 2011 m’est revenu à l’esprit ainsi que toutes les
scènes de violence dont j’ai été le témoin ou qui m’ont été rapportées. Nouri Boukhchim, c’est
chaque universitaire, chaque intellectuel, chaque artiste humilié – mais heureusement – non encore
immolé à l’autel du fanatisme religieux. Chaque intellectuel tunisien est aujourd’hui un Nouri
Boukhchim en puissance! Ne l’oublions pas ! S’il y a une leçon à tirer de la multiplication et de la
recrudescence des violences, c’est que cela n’arrive pas qu’aux autres, que cela ne concerne ni une
frange de l’intelligentsia, ni un seul espace, ni un seul champ d’activité. La solidarité de
l’intelligentsia tunisienne ne peut se matérialiser que grâce à la création de réseaux et de collectifs
à l’image du Comité de défense des valeurs universitaires, de l’autonomie institutionnelle et des
libertés académiques, de même que la solidarité des démocrates ne peut se manifester que par le
biais d’une culture de la refondation ou du front, condition sine qua non d’une reconfiguration du
paysage politique tunisien dans le sens souhaité par les démocrates qui oeuvrent pour l’avènement
d’une démocratie. Nous sommes dans la même galère qui risque, si l’on n’y prend garde, de nous
mener à contre-courant du sens de l’Histoire et qui nous fera perdre non seulement les nouveaux
acquis, fruits de notre révolution citoyenne mais aussi notre tunisianité, que la Zitouna, cette
prestigieuse institution religieuse a contribué à forger, à côté d’autres institutions aussi
prestigieuses que le Collège Sadiki ou la Khaldounia.
Je remonte le temps et d’autres scènes me reviennent à l’esprit, celles où mon grand-père
maternel, uléma zeitounien né en 1875, m’initie pendant mon enfance à un Islam éclairé et je
bénis les enseignants qui l’ont formé et qui font partie d’une lignée d’ulémas et de cheikhs éclairés
dont la Tunisie s’enorgueillit. Ils ont diffusé les nobles valeurs qui font de l’Islam cette religion
profondément humaniste et respectueuse des droits humains dont Alphonse de Lamartine fait une
superbe apologie dans son Histoire de la Turquie. L’auteur des Harmonies poétiques et religieuses,
fervent catholique, y glorifie aussi le Prophète dans des morceaux d’anthologie grandiloquents qui
servent la finesse de ses analyses, un argumentaire des plus judicieux et des plus convaincants et
une défense et illustration de l’Islam. Ces fragments séduisent plus d’un musulman et relèguent
dans les oubliettes de la littérature et dans la catégorie des textes mineurs des pamphlets hostiles à
l’Islam et à son prophète, inspirés à Pascal par son fervent catholicisme et à Voltaire par son
déisme.
Au nom d’un Islam importé, étranger à nos contrées et dogmatique, les extrémistes religieux
veulent confisquer à nos institutions universitaires, culturelles ou artistiques la marge d’autonomie
que leur accordent les lois tunisiennes dans l’élaboration de leurs programmes et oeuvrent pour les
déposséder des libertés académiques, de la liberté de pensée et de création. Les évènements, dont
ces espaces mais aussi les mosquées sont le théâtre, nous donnent le tournis. A chaque nouvelle
violation, nous pensons avoir atteint le comble de l’absurde. La violation qui suit nous laisse
pantois, nous pousse à nous pincer pour vérifier si nous ne faisons pas de cauchemar. Nous
sommes à chaque fois, comme les personnages de Kafka, placés dans une situation insolite, parfois
insoutenable, voire hallucinante qui nous déroute. Les scènes dont nous sommes les témoins, les
incidents qui nous sont narrés nous rappellent l’ambiance angoissante, à force d’être absurde, de
l’univers kafkaïen. Angoissante, parce que ce qui est en cause, ni plus ni moins, c’est le devenir de
nos institutions, le futur de notre pays et l’issue de la période transitoire sur laquelle les Tunisiens
fondent beaucoup d’espoirs mais qui voit les prémices d’une fascisation rampante. C’est la
mobilisation tous azimuts et l’unité des rangs, elles seules, qui peuvent nous aider à transcender les
difficultés pour reprendre « la marche ascendante » qui va dans le sens de l’Histoire, une Histoire
qui « marche à reculons » en ce moment.
Habib Mellakh, universitaire, syndicaliste, professeur de littérature française à la FLAHM

Saturday, May 12, 2012

Réponse à Tariq Ramadan


D. Shayegan. - Vous parlez beaucoup d’une " histoire musulmane ". Mais toute l’histoire de l’islam est une histoire prophétique. Elle commence avec Adam et se termine par la révélation de Mahomet, le dernier prophète. De ce fait les musulmans, consciemment ou non, se croient métaphysiquement supérieurs aux autres religions révélées, puisqu’ils ont la dernière révélation : le zénith de la prophétie. Ne disait-on pas que Mahomet sous le soleil n’avait pas d’ombre ? Donc la vérité est toujours avec nous. L’islam détient la vérité. Ces mythologies existent dans l’imaginaire de l’islam, on peut les réveiller quand on veut, et c’est justement ce que font les mouvements islamistes. Ils entretiennent chez les musulmans l’illusion qu’en retournant à l’islam ils pourront résoudre tous leurs problèmes. Il suffirait en somme de court-circuiter l’Histoire pour atteindre une Terre promise. Mais c’est une illusion. La Loi, en tant que telle (je fais toujours la distinction entre la spiritualité islamique, que j’aime beaucoup, et l’islam de la Loi), appliquée à la lettre, n’a aucune réponse à nos problèmes économiques ou administratifs.
Vous parlez ensuite de diversité des civilisations. Mais, à mon avis, il n’y a qu’une seule civilisation dans le monde, et c’est la civilisation mondiale, moderne, universelle - je ne dirai même pas occidentale, parce qu’elle fait partie de nous, qu’elle reflète aussi une certaine sensibilité de notre temps, et qui n’est plus celle du Moyen Age. Avec le retour de Khomeini en Iran, on a commencé à voir des scènes, des images que personne n’arrivait plus à supporter : les flagellations, les martyres, les fontaines de sang... Cette explosion de l’archaïque dans le moderne, proprement insupportable pour des hommes du xxe siècle, explique l’émigration massive. Ces gens ne fuyaient pas parce qu’il n’y avait plus de libertés individuelles - ces libertés n’existaient pas avant la révolution. Ils fuyaient un monde archaïque qui offensait leur sensibilité.
Là, je me pose une question : pourquoi l’Asie, qui est de confession bouddhique et confucéenne, supporte-t-elle mieux la modernité que ne le fait l’islam ? Pourquoi l’islam a-t-il tant de problèmes avec les valeurs considérées comme universelles, et qu’il regarde comme occidentales ? Il y a d’abord la rivalité de l’islam avec la chrétienté. Il y a ses échecs historiques. Et puis il y a le fait qu’il n’a jamais voulu faire l’apprentissage de la modernité. Je vous donne un exemple précis : l’ère Meiji, au Japon, a commencé en 1868. La même année, le chah iranien a entamé des réformes. Au Japon, ces réformes ont abouti. En Iran, jamais. Les résistances ont été les plus fortes.
Je crois que le monde islamique doit vraiment entamer son autocritique et casser les tabous. On n’ose pas. Aucun imam n’ose faire une lecture critique du Coran. Alors que la modernité en Occident a commencé au xviie siècle avec la critique de la Bible et des Ecritures. Arrive un moment où il faut prendre ce recul. Se demander : d’où viennent les blocages ? Pourquoi faisons-nous toujours les mêmes erreurs ? Et cesser de dire : c’est la faute des Américains, des Russes, des Anglais...
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D. Shayegan. - Mohamed Arkoun l’a bien montré : il y a deux périodes dans les temps modernes pour l’Islam. La première, qu’il appelle " nahda ", est la période de l’éveil, des Lumières islamiques ; et la seconde période, qu’il appelle " thawra ", la révolution, qui commence au milieu du xxe siècle. L’Islam se replie de plus en plus sur lui-même et donne naissance à ce courant islamiste que je ne reconnais pas comme étant musulman.
Dans ces quatre lectures dont vous parlez, Tariq Ramadan, ce que je vois, moi, c’est une résurgence des structures fortes du sacré. Qui sont aussi les structures fortes de la violence. Car le sacré est violent. Et cette violence existe dans le Coran, que vous le vouliez ou non. Cette grande culture, qui s’est formée depuis 1 400 ans, a essayé de sublimer cette violence qui était à l’origine de la religion pour en faire une culture d’amour : c’est ce qu’on trouve chez nos mystiques - finalement très proches des mystiques chrétiens, d’une certaine façon.
Lorsque vous faites sauter le vernis, vous revenez à un islam complètement utopique, qu’on appelle " Islam de l’âge d’or " - mais dont on sait qu’il n’a duré que trente ans et qu’il fut semé d’assassinats. L’Islam n’est devenu une civilisation que plus tard, avec les Omeyyades et les Abbassides ! Les mouvements islamistes actuels, qui prétendent revenir aux sources, ne sont que des réactions, des rejets. Des pôles de ressentiment.
C’est très dangereux de jouer avec la croyance des gens et d’en faire un instrument de combat. Dans le Coran, on peut tout trouver. Il y a la violence, dans le Coran, il y a la guerre sainte. C’est pour ça qu’il y a toujours eu des écoles de lecture. On a toujours voulu interpréter le sacré ; mettre en avant le sens symbolique des versets, ne pas le lire à la lettre. Et voilà que, dans les temps modernes, on a sacralisé la charia. Mais la charia est très encombrante dans le monde islamique ! Elle empêche cette société de bouger, en prétendant s’occuper de tout, de votre vie privée, de ce que vous mangez... Ce genre d’islam, c’est de l’islam sclérosé, pétrifié.

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